La répétition des scénarios de vie

La répétition des scénarios de vie

10 novembre 2017 psychologie 0

 

La répétition des scénarios de vie de Jean Cottraux (Psychiatre CHU lyon) – Photo: cousinade 2016 –

Nous rencontrons tous des problèmes. Pire, nous rencontrons souvent les mêmes.

Prenons la division de l’existence humaine en 8 stades. Chacun de ces stades s’organisera autour de pôles contradictoires qui pourront donner lieu à des tensions, des contradictions, des conflits. A vrai dire de l’issue plus ou moins heureuse de ces oscillations résultera un sentiment de réussite ou la perception d’un échec.

Scénarios de vie

Les 8 stades de la vie de l’homme

Ainsi certains ne réussiront pas à surmonter la crise: l’épisode va figer leur histoire de vie, et la vie s’enliser, patiner, tourner en boucle.

Effectivement figée dans son personnage, la personne scénarisée va maintenir des relations stéréotypées et insatisfaisantes avec les autres, surtout si ce rôle a une fonction dans un groupe: femme parfaite, bouc émissaire, faux génie, perdant, battant, macho, séducteur, etc. Si la personne souhaite changer de vie et de scénario, elle aura à se modifier elle-même, à changer ses relations avec son entourage, ou encore à changer d’entourage.

Premièrement le nombre de types de personnalité est limité, tout comme est identique les relations avec les autres, et les événements de vie qui en résulte.

La personnalité

La personnalité de chacun est faite de croyances irrationnelles, souvent inconscientes, qui sont à l’origine des scénarios de vie. Tout d’abord, la mémoire fait le tri aux dépens de la précision, et elle construit un scénario plus ou moins cohérent.

Ainsi certaines situations peuvent bloquer:

  • les émotions liées à la séparation
  • une contrainte liée aux circonstances économique (harcèlement professionnel, ..)
  • une mauvaise estime de soi privée de toute liberté d’action (une personne timide qui se laisse exploiter, ..)
  • une dépendance ancienne et abusive
  • on se croit à tort persécuté (la personne n’a aucune conscience du fait qu’elle provoque elle-même des rétorsions agressives de la part des autres par sa méfiance ou ses attaques systématiques: celui qui se vit comme le persécuté est, en réalité, le persécuteur.
  • l’incapacité à différer ou à inhiber un comportement ou une pensée face à une situation. C’est ce que l’on nomme l’impulsivité avec passage à l’acte.

Par exemple dans les phases d’alarme et de résistance, la sécrétion trop importante de cortisol, hormone de stress, peut atteindre les fonctions cognitives supérieures comme l’attention et la mémoire, et de ce fait modifier la pensée logique et l’efficacité dans la résolution d’un problème.

Être son propre opposant

Effectivement nombre de scénarios sont des histoires où le sujet est lui-même son propre opposant.

De même que la rétine de chaque œil présente un point aveugle, nous avons du mal à percevoir nos propres motivations, ce qui peut conduire à des impasses tragiques ou à des situations comiques.

Quand la personnalité devient un problème: la personnalité se définit comme un ensemble stable de comportements, d’émotions et de pensées en réaction à l’environnement, qui caractérise chaque individu. Les problèmes apparaissent quand un individu présente des traits notablement exagérés, ou caricaturés, par rapport à ce que l’on observe chez la moyenne des gens, dans une culture donnée. On parle alors de personnalité difficile, ou, dans le jargon psychiatrique un trouble de la personnalité (TOC, …)

Le DSM IV

La classification la plus utilisée actuellement est celle du DSM-IV qui différencie 12 grands types de personnalité (p66). Seulement 10 ont été validées:

Ainsi à ces 3 grands groupes peuvent être superposés 3 grands types de scénarios de vie.

Somme toute, les systèmes actuels de classification des troubles de la personnalité, qu’il faut considérer avec relativisme, doivent néanmoins posséder une certaine validité puisque depuis l’Antiquité, sont décrits, à peu de chose près, les mêmes types de problèmes.

Citons celle du philosophe grec Théophraste qui vivait 300 ans av. JC. Son livre “les Caractères” a inspire l’ouvrage homonyme de La bruyère, publié au XVII° siècle.

3 Inconscients pour un scénario:

Notamment, c’est souvent à son propre insu et malgré elle qu’une personne répète des scénarios de vie. La première explication qui vient à l’esprit est d’invoquer la destiné. La seconde, qui replace le problème sur le plan individuel, consiste à aller voir du coté de l’inconscient.

A première vue, la notion d’inconscient laisse peu de place à la responsabilité et à l’autodétermination, surtout si l’on estime que tout se joue dans les 3 ou 6 premières années de la vie.

2 notions sont essentielles:

  • la division de l’esprit en différentes structures
  • et le fonctionnement automatique de la plupart des comportements, des pensées et des émotions.

Le fonctionnement de l’inconscient permet à chacun de vivre dans l’instant présent. Au contraire, la conscience, elle, intervient en cas de difficulté. Ainsi la conscience gère l’ensemble de la personnalité, et lorsqu’elle échoue, la fragmentation de la personnalité apparaît.

Platon avait déjà émis des hypothèses sur la structure de l’esprit qu’il divisait en 3 parties. La partie supérieure correspond à la raison, le “Noûs“. Elle conduit un attelage de 2 chevaux, dont l’un est obéissant et généreux: le “Thymos“, qui représente les émotions, le courage et les désirs élevés. L’autre cheval lui, est indocile et rétif: c’est l'”Epithumétikon“, qui correspond aux besoins et aux désirs matériels grossiers. Le Surmoi, instance morale de la vie mentale, n’est donc pas une invention récente (le “Parent” de l’AT).

Le traitement de l’information par le cerveau

Dans l’ensemble, le traitement de l’information par le cerveau s’effectue selon des processus automatiques qui n’impliquent aucun effort de la conscience. Donc le champ de la conscience est, tout comme le champ visuel, un cadrage limité de la réalité externe et interne.

En particulier, la psychanalyse, à l’époque reine de la thermodynamique, considère l’existence d’une énergie libidinale (libido, désirs, pulsions sexuelles) qui, si elle ne trouve pas d’issue, va se trouver refoulée et donc réapparaître sous une autre forme (angoisse, inhibition, ..). Les modèles actuels, tributaires des sciences cognitives, décrivent l’inconscient comme un ensemble de processus de traitement de l’information:

  • Premièrement un inconscient biologique ou cérébral (activité neuronale) qui sous-tend les processus cognitifs conscients et inconscients ainsi que les émotions.
  • Deuxièmement un inconscient environnemental qui conditionne les comportements et les attitudes psychologiques (éducation, traumatismes graves qui impriment leur marque sur la personnalité)
  • Enfin un inconscient cognitif qui correspond à l’ensemble des processus mentaux automatiques: c’est lui qui en s’articulant autour des 2 autres, produit des scénarios de vie.

Inconscient biologique:

Le scorpion et la grenouille: “la logique n’a rien à voir. Je n’y peux rien, c’est mon caractère”.

Premièrement, on entend par tempérament, les prédispositions comportementales présentes à la naissance. A vrai dire, c’est le socle sur lequel va se développer la personnalité. De son côté, elle, la personnalité est composée d’un ensemble de traits de caractère, d’intensité variable, reliés aux prédispositions biologiques qui constituent le tempérament.

A cet égard, Cattell a isolé 16 dimensions bipolaires (2 extrêmes et contraire) de personnalité à partir d’un liste de 17 953 adjectifs décrivant les caractéristiques et comportements de chacun –> MBTI

Un modèle à 5 facteurs, le modèle OCEAN, est le mieux validé actuellement (The Big 5). Du reste il existe également un modèle à 7 facteurs qui rajoute les facteurs environnementaux de la personnalité. (p99). L’étude de Livesley superpose une approche génétique.

Le neuroticisme s’accompagne de vulnérabilité à la dépression et de dépendance à autrui. Ce trait correspond aux personnes qui ressentent et expriment constamment des affects négatifs. Cette mauvaise régulation émotionnelle, qui les accompagne toute leur vie, rend ces personnes difficiles à vivre. La sérotonine est un neuromédiateur qui joue un rôle important dans l’inhibition des comportements et l’anxiété.

Le modèle de Cloninger oppose le tempérament au caractère (TCI)  avec 7 dimensions de la personnalité(p 101)

Tempérament et caractère

L’inconscient y est représenté comme le résultat de l’interaction entre des processus biologiques (tempérament) et des conditionnements (caractère) qui se déroulent hors conscience; la cognition, elle, est identifiée à la conscience et correspond seulement à la gestion efficace et délibérée de la réalité. On peut objecter que ce modèle n’envisage pas de processus cognitifs inconscients.

La correspondance entre certains neuromédiateurs et certains comportements constituent pour le moment qu’une simple hypothèse de travail. D’autre part, les liens génétiques avec les personnalités du DSM IV commencent juste à être explorés (2000).

La génétique n’est pas le destin. Les sources de variation dans la personnalité sont constituées à 50% par des facteurs héréditaires et à 50% par des facteurs environnementaux. Rôle de la résilience, etc .. Avoir des traits impulsifs de personnalité n’aboutit pas aux mêmes résultats dans une banlieue défavorisée ou dans un milieu “d’intellectuels” aisés.

Inconscient environnemental et conditionnement:

Ne sommes nous pas prisonniers des règles rigides qui nous ont été inculquées à notre insu et à notre détriment ?

La méthode de Pavlov, ou comment avoir des émotions automatiques.

La voie longue et courte vers l’amygdale (Stimulus –> Thalamus –> voie courte d’urgence ou la voie longue cérébrale sensorielle –> amygdale –> réponse émotionnelle)

L’impulsivité se définit comme l’incapacité à différer, quelles qu’en soient les conséquences, un comportement qui peut aboutir à une expérience immédiate de plaisir (les bonbons à 1 enfant).

Compulsives ou impulsives, ces personnes partagent l’incapacité de différer une conduite. Ces 2 types de comportements représentent les extrémités d’un spectre qui va de la lute permanente et réussie contre les impulsions au passage à l’acte permanent et sans frein.

L’éducation, la vie familiale, la télé, internet, .. représentent une contrainte. Toutefois malgré leur pouvoir de persuasion masque, les modèles sociaux sont surtout des révélateurs de personnalité (note: oui pour les cas cliniques, les troubles de la personnalité mais moins pour le bien-être).

Le développement de la personnalité résulte en réalité d’événements particuliers et personnels auxquels le tempérament biologique doit s’adapter.

Poids de l’environnement social

Même une personne qui ne présente pas de vulnérabilité génétique pour des troubles psychologiques risque de “craquer” dans un environnement social où s’accumulent les traumatismes.

La mémoire maintient la cohérence du fonctionnement mental. Elle effectue la liaison entre le passé et le présent, en catégorisant et en organisant les nouvelles informations à la lumière des souvenirs anciens.

Ainsi le flash-back signe l’absence d’intégration du souvenir traumatique. En effet, un événement traumatique met de façon inopinée, une personne face à la mort ou à la mort d’autrui sans qu’il lui soit possible ni de s’échapper ni de contrôler d’aucune manière l’événement.

C’est la menace perçue plus que la menace réelle, qui constitue le facteur décisif du maintien du stress posttraumatique. Le syndrome de répétition s’accompagne d’une tension anxieuse permanente et de l’évitement de situations. C’est une façon pour le sujet de se protéger d’une réalité pénible. Les sentiments de culpabilité et de honte seront les premiers obstacles à la recherche d’aide.

Inconscient cognitif:

“Le passé vous a déçu ? Le présent vous semble vide ? L’avenir vous angoisse ? Nous avons la réponse !” Politiciens, gourous remplissent l’attente …

A cet égard, tout bon prophète propose un schéma qui interprète le monde et implique des actions qui vont dans le bon sens.

Avant tout, le concept de “constructions personnelles” (George Kelly) présente une dimension à deux extrémités opposées qui permettent de juger et catégoriser les événements et les individus sur un mode binaire: bon/mauvais, juste/faux, correct/incorrect, etc .

Une construction personnelle est un système bipolaire avec un pôle émergé ou explicite et un pôle immergé, implicite, qui est en sorte inconscient.

D’où méfiance et oscillations rapides entre 2 pôles: victime – protecteur/persécuteur (note: triangle dramatique de l’AT).

Les schémas cognitifs

Les erreurs logiques (note: ou fondamentales dans la théorie implicite de la personnalité): attention sélective face aux événements qui confirment les schémas cognitifs. Ces dysfonctionnements de la pensée logique.

Les schémas cognitifs dont parle Beck sont liés à des émotions et faits de croyances. Partant de ce fait ils représentent des interprétations personnelles de la réalité qui vont influer sur les stratégies individuelles d’adaptation. Ensuite ces schémas ont une spécificité de contenu en fonction du type de personnalité ou du trouble de la personnalité.

Le traitement de l’information (p154):

En résumé les grands types de personnalités sont dominés par la présence d’un schéma dysfonctionnel rigide, excessif, absolu.

Les schémas ont trait à l’autonomie, aux capacités relationnelles, aux valeurs morales, aux limites et standards sociaux.

Ces schémas se renforcent par des comportements répétés d’échecs qui les justifient.

En résumé les principaux schémas sont : (p 159)

Lorsque la validité du schéma est mise en doute par l’entourage ou en thérapie, la résistance du patient est considérable:

  • Par évitement: conscient ou automatique, cognitive, affectif ou comportemental
  • Par compensation et bipolarité: une personne dépendante se protégera en faisant montre d’une autonomie exagérée, refusant l’aide ou les conseils d’autrui. De fait la personne qui a une faible estime de soi pourra développer un comportement narcissique destine à compenser son sentiment d’infériorité.

En conclusion, le déchiffrage des scénarios

Il nous semble que 3 grands contrastes mythiques figurant au Coeur de ces constructions (le modèle LIR):

  • les mythes contrastés du savant et du magicien (la logique)
  • mais aussi les mythes contrastés de Narcisse et d’Ulysse (l’impulsivité)
  • et enfin les mythes contrastés de Tristan et Don Juan (la relation à la dépendance)

Ce modèle indique une sensibilité au changement en psychothérapie

Devant l’accélération de la science et la perte des repères stabilisateurs, le recours à la magie devient une réponse personnelle, et toute-puissante, aux problèmes de l’époque. (Développement exponentiel des sectes).

Attention, l’autonomie ou la sociotropie ne sont pas des traits négatifs: ce sont les extrèmes qui conduisent aux excès.

C’est pourquoi il faut donc installer des capacités nouvelles de traitement de l’émotion qui permettent d’aller au-delà de la situation répétitive sur laquelle la personne bute. Ainsi cela revient construire un SENS à ce qui, à première vue, n’en a pas. Et vivre sa vie sans se tromper de scénario.

Nos autres articles :

Quelques notes personnelles:

Les 8 étapes d’une séance (p197) – les 7 étapes de changement personnel (p223)

Avez-vous un scenario de vie ? p226 (vie professionnelle, sentimentale et sexuelle, trauma, conduites impulsives et à risque)

Schéma du cycle de changement 1986 (p 230): l’Echelle

LIR 2000 (p 235)

d’infériorité 1996 (p261)

de la qualité de vie (Roue de la vie) (p271)

 

 

Laisser un commentaire