Psychologie des valeurs et entreprise
Les valeurs sont des conceptions centrales du désir pour chaque individu et pour la société. Elles servent de standards pour guider l’action. Mais en outre, elles servent pour le jugement, les choix et pour expliquer les choses.
De plus en plus, la formalisation des valeurs est au cœur du discours de l’entreprise. Une question importante en recrutement est de pouvoir évaluer dans quelle mesure un individu correspond bien à l’organisation. En effet partage-il les mêmes valeurs ?
Depuis 2007 un instrument pour mesurer les valeurs au travail (IVT), s’appuyant sur une théorie reconnue par le monde scientifique (Le modèle des valeurs de Schwartz), a été validé (Th. Wils).
Toutefois, cette dimension ne se laisse pas facilement domestiquer. Les valeurs demandent du temps, de la maturation. Il ne suffit pas de se mettre d’accord sur une nouvelle vision des choses pour créer une nouvelle culture d’entreprise. Le système de valeurs ne peut se décréter. Les membres organisationnels peuvent s’accorder sur le résultat souhaité, sans pour autant avoir les comportements et attitudes nécessaires pour y parvenir.
Le cabinet de consulting et de digitalisation C5s peut aider à cette mise en place.
Définition
Les valeurs personnelles sont des croyances apprises de ce qu’une personne considère comme important et utile comme ligne de conduite dans la vie.
Les valeurs sont des croyances liées aux affects qui, à travers une diversité de contextes, motivent l’action et guident l’évaluation des actions des autres, des politiques, des personnes et des événements.
Par exemple, une personne pour qui l’indépendance est une valeur importante est alertée si son indépendance est menacée. Elle est malheureuse quand elle ne parvient pas à la préserver, et heureuse quand elle peut l’exercer.
Selon la définition des chercheurs, les valeurs :
- sont des croyances associées à des émotions (c’est-à-dire des croyances qui tiennent à cœur),
- réfèrent à des buts désirables motivant l’action,
- transcendent les actions et les situations spécifiques (sont transsituationnelles),
- servent de normes pour évaluer les actions, les politiques, les gens et les événements,
- forment un système hiérarchique relativement durable, ordonné par importance
- l’impact des valeurs sur les décisions quotidiennes est rarement conscient,
- et c’est l’importance relative des multiples valeurs concurrentes qui guident toute action ou attitude, c’est-à-dire les compromis entre les valeurs.
Les 3 principales fonctions sont des fonctions :
- d’orientation de nos perceptions, de nos choix, attitudes et comportements, de jugements
- de justification de nos choix et comportements après réalisation
- d’adaptation aux situations, qui explique la hiérarchie personnelle des valeurs
L’apport de la psychologie sociale
Certains penseurs affirment que les valeurs sont intrinsèques. Elles existent en elles-mêmes dans le monde et l’homme doit chercher à les découvrir, à les atteindre. Cette approche est particulièrement développée dans le travail du philosophe grec Platon (La caverne). D’autres philosophes comme Spinoza affirment qu’on ne désire pas une chose parce qu’elle est bonne, mais qu’elle est bonne parce que nous la désirons.
Dans le monde scientifique, aujourd’hui, le psychologue Shalom Schwartz (1922, 1996) fait figure de référence dès que l’on aborde les valeurs sociales. En s’appuyant sur les travaux de Rokeach (1973), Schwartz a présenté un modèle des valeurs humaines qui représente une avancée essentielle dans la connaissance du fonctionnement des valeurs. En effet, il présente une théorie novatrice sur l’universalité et la structure des valeurs. Ainsi cette théorie met en évidence les relations entre les valeurs. Une relation de compatibilité ou de conflits.
Rockeach (1968) considère qu’une personne peut avoir une multitude de croyances et d’attitudes différentes, mais seulement une douzaine de valeurs. On peut par exemple croire que notre conjoint est merveilleux, que l’un de nos amis ne va pas bien, qu’un enfant traverse des difficultés liées à l’adolescence, etc. On aura alors différentes attitudes envers eux, par exemple aimantes, positives, attentives, etc. Quant à la valeur qui synthétise ces relations avec l’entourage, ce sera celle de Bienveillance qui inclut amitié, amour, respect et aide à autrui (Chataigné, 2014).
Ainsi, Schwartz (1996) considère que les valeurs et leur hiérarchisation motivent les choix des comportements (ce que nous faisons). Elles permettent de justifier les comportements passés (pourquoi nous les faisons). Et elles permettent d’évaluer les comportements des personnes et les événements (pourquoi nous apprécions telles personnes et tels actes, sous-tendant donc nos attitudes). Enfin elles dirigent notre attention et perception (ce que nous remarquons).
19 valeurs universelles
Schwartz et ses collègues ont menés des études dans quelque 70 pays présentant un large éventail de cultures. Ils ont identifiés 19 catégorie de valeurs fondamentales (ou motivations) qui seraient universelles et permettraient de les classifier virtuellement (Schwartz en identifie 57 spécifiques).
Notre intégrité à agir en cohérence avec nos valeurs est un facteur déterminant dans nos relations interpersonnelles. En effet elle établit notre crédibilité et crée un sentiment de confiance.
À l’inverse, un non-respect entraîne petit à petit un sentiment d’insatisfaction, de démotivation, de perte de contrôle voire de perte d’estime de soi.
Dans une organisation, dans une équipe ou pour soi-même, elles joueront un rôle rassembleur, mobilisateur ou motivateur. Ceci dans la mesure où elles seront clairement définies et priorisées.
Ces 19 valeurs sont organisées sur un continuum circulaire dans lequel les valeurs rapprochées sont compatibles et celles éloignées sont conflictuelles. Cette représentation graphique circulaire permet de visualiser rapidement la hiérarchie.

Pour résumer, plus deux valeurs sont proches sur ce cercle, plus les motivations correspondantes sont similaires. Au contraire, plus deux valeurs sont éloignées plus les motivations sont antagonistes.
4 dimensions
Par ailleurs, ces 19 valeurs peuvent être regroupées en 4 dimensions de plus grand ordre, en opposition 2 à 2.
Le Dépassement de soi (qui inclut Universalisme et Bienveillance, consistant à mettre l’accent sur le bien-être et l’intérêt des autres) est opposé à l’Affirmation de soi ou Croissance personnelle (qui inclut Pouvoir et Réalisation, consistant à poursuivre des intérêts individuels). Effectivement les intérêts personnels et collectifs ne sont pas toujours harmonisables.
Tandis que l’Ouverture au changement (qui inclut Auto-détermination et Stimulation, consistant à mettre l’accent sur l’indépendance de pensée et d’action ainsi que la recherche de nouvelles expériences) est opposée à la Conservation (qui inclut Tradition, Conformité et Sécurité, mettant l’accent sur l’auto-restriction, l’ordre et la résistance au changement).
Enfin l’hédonisme, l’image, l’humilité publique appartiennent à 2 domaines contigus.

Fondements biologiques
Enfin Schwartz (2006) note que la structure des relations entre les 19 valeurs de base peut aussi avoir des fondements biologiques. Car elles sont reliées à 4 pulsions innés :
- Acquérir
- Relier (comprendre)
- Apprendre
- Défendre
Chaque valeur de base exprimait ainsi une pulsion, ou la combinaison de 2 pulsions. Par exemple, l’Universalisme = relier + apprendre.
Définition des 19 types motivationnels de valeurs
Bien qu’il s’agisse d’une valeur importante, le bonheur ne figure pas dans cette liste parce que chaque personne y parvient par des voies différentes en atteignant une valeur importante pour elle.
C’est la liberté de cultiver ses propres idées et ses capacités (créativité, curiosité, choisir ses propres buts)
Cela correspond à la liberté de déterminer ses propres actions (liberté, indépendance, choisir ses actions)
C’est l’excitation, la nouveauté, le changement (Valeurs : vie audacieuse, variée et passionnante…)
Cela correspond au plaisir et à la gratification sensuelle (plaisir, profiter de la vie…)
C’est le succès selon les normes sociales (ambition, orientation, succès…)
Cela correspond au pouvoir par l’exercice d’un contrôle sur les gens (autorité, leadership, domination, richesse…)
C’est le pouvoir par le contrôle des ressources matérielles et sociales (compétences, hiérarchie, titre …)
Cela correspond à la sécurité et au pouvoir en maintenant son image publique et en évitant l’humiliation (fierté, réputation, notoriété, influence…)
C’est la sécurité dans l’environnement immédiat (santé, travail, propreté, sécurité de la famille …)
Suite
Cela correspond à la sécurité et la stabilité dans la société (sentiment d’appartenance, sécurité nationale, stabilité de l’ordre social,…)
C’est maintenir et préserver les traditions culturelles, familiales ou religieuses (dévotion, respect, modération …)
Cela correspond au respect des règles, des lois et des obligations formelles (autodiscipline, moralité …)
C’est éviter de bouleverser ou de blesser les autres (obéissance, respect …)
Cela correspond à reconnaître son insignifiance dans l’ensemble des choses (modestie, authenticité…)
C’est prendre soin du bien-être des membres du groupe d’appartenance (serviabilité, honnêteté, pardon …)
Cela correspond à être un membre fiable et digne de confiance du groupe d’appartenance (loyauté, responsabilité, amitié …)
C’est l’engagement envers l’égalité, la justice et la protection de tous (justice sociale, égalité, paix dans le monde…)
Cela correspond à la préservation de l’environnement naturel (unité avec la nature, monde de beauté, protection de l’environnement …)
C’est l’acceptation et la compréhension de ceux qui sont différents de soi-même (ouverture d’esprit, sagesse, harmonie intérieure …)
Motivations communes aux valeurs adjacentes.
la motivation commune est la recherche de reconnaissance sociale
la motivation commune est de mettre en avant la satisfaction personnelle
la motivation commune est que ces deux valeurs amènent à rechercher des sensations excitantes et des émotions agréables
la motivation commune est l’intérêt intrinsèque pour la nouveauté et pour la maîtrise
la motivation commune est le fait de se fier à son jugement personnel et d’être à l’aise avec la diversité
accordent tous deux la priorité aux autres et relèvent tous deux du dépassement des intérêts égoïstes
la motivation commune est l’importance accordée au dévouement envers le groupe d’appartenance
la motivation commune est que ces deux valeurs requièrent un comportement normatif qui facilite les relations avec les proches
nécessitent la subordination de l’individu aux attentes imposées par la société
la motivation commune est de pérenniser les arrangements sociaux qui existent et assurent la sécurité
mettent toutes deux en avant l’ordre et l’importance de relations harmonieuses
la motivation commune est d’éviter que l’on jugule les menaces en contrôlant les relations et les ressources.
Traits de personnalité, internalisation et variation des valeurs
Les traits de personnalité sont des tendances (dispositions) à se sentir, percevoir, se comporter et penser de manière relativement cohérente dans le temps et entre les situations. Tandis que les valeurs réfèrent à ce qu’une personne trouve important. De multiples travaux montrent que les valeurs sont apprises par les processus de socialisation (pression parentale, de pairs, influences culturelles…).
Le but de la socialisation est que les valeurs soient internalisées. C’est-à-dire que les valeurs sociales sont considérées par l’enfant comme étant les siennes. De telle sorte que les comportements socialement acceptables soient motivés, non par l’anticipation des conséquences externes (récompenses, punitions..), mais par des facteurs intrinsèques ou internes (Deci et Ryan 1991).
Nous adaptons nos valeurs aux circonstances de la vie, en fonction de nos besoins (Maslow 1954). Schwartz considère que les valeurs de Pouvoir, Sécurité, Conformisme et Traditions se rapportent à des besoins de carence. Tandis que celles que celles d’Auto-détermination, Universalisme, Bienveillance, Réalisation et Stimulation se rapportent à des besoins de croissance. Si nos besoins fondamentaux (de Sécurité, physiologiques) sont en danger, ils deviennent prioritaires. Mais quand nous pouvons les satisfaire, ils deviennent inactifs, nous n’y pensons plus. En revanche les besoins de croissance, besoins complexes, sont des motivations durables.
En ce sens, il est donc envisageable que les valeurs reliées à des besoins de carence (fondamentaux) soient particulièrement valorisées quand ces besoins sont insatisfaits, mais pas quand ils sont satisfaits.
La création d’une valeur émerge quand un nouveau type de croyance est développé par l’expérience vécue et qu’il montre son efficacité pour gérer des échanges et des comportements du quotidien.
Les valeurs personnelles au Travail
Dans son ouvrage Donner un sens au travail paru en 2006, Estelle M. Morin, professeure titulaire à HEC Montréal en psychologie appliquée au management et au développement organisationnel, décrit le travail comme “une activité par laquelle une personne se définit, s’insère dans le monde, actualise son potentiel, et crée de la valeur. Ce qui lui donne, en retour, le sentiment d’accomplissement et d’efficacité personnelle, voire peut-être un sens à sa vie”.
D’après elle, le sens du travail repose sur trois critères :
- La signification du travail, sa valeur aux yeux du sujet et la définition ou la représentation qu’il en a
- La direction, l’orientation du sujet dans son travail, ce qu’il recherche dans le travail et les desseins qui guident ses actions
- L’effet de cohérence entre le sujet et le travail qu’il accomplit, entre ses attentes, ses valeurs et les gestes qu’il pose quotidiennement dans le milieu de travail.
Donner du sens dans son job permet notamment de se sentir utile par l’accomplissement d’une tâche importante à nos yeux. Même si cette dernière semble anodine pour d’autres. Ainsi le sens contribue au développement individuel dans le respect d’autrui. Enfin, il procure du plaisir, car il comble des aspirations et valorise un savoir-faire.
Les valeurs de l’entreprise
De plus en plus, la formalisation des valeurs est au cœur du discours de l’entreprise. Cette formalisation est un vecteur clé de la communication pour répondre aux pressions exercées par des régulations extérieures (Marché financier, autorités de régulation…). Pour l’entreprise, communiquer sur ces valeurs s’inscrit dans une stratégie de valorisation de son image et de sa notoriété. Bien que cette valorisation soit difficilement quantifiable.
Les valeurs d’une entreprise sont les principes sur lesquels elle se base pour évoluer dans son secteur et prendre ses décisions stratégiques.
Ces principes peuvent être moraux (loyauté envers les clients et les collaborateurs, qualité supérieure en toute circonstance…) sociétaux (respecter l’environnement, développer un modèle économique plus éthique…). On parlera de valeurs Ethiques ou Endogènes.
Elles peuvent aussi prendre une dimension marketing (proximité avec sa clientèle, adaptabilité…) ou refléter une stratégie (innover, être toujours à la pointe…). On parlera de valeurs Marketing ou Exogènes ou de Performance.
Dans tous les cas, les valeurs d’une entreprise reflètent la vision de son dirigeant, sa façon de concevoir l’entrepreneuriat.
Quelques exemples :
« Think different » pour « pensez différemment »
est le slogan publicitaire pour l’un des produits Apple. Il reflète également les valeurs de l’entreprise. Steve Jobs l’évoquait dans ses conférences « Nous avons décidé de rendre hommage à ceux qui pensent autrement et qui font avancer le monde dans lequel nous vivons (…) ce thème reflète l’âme de notre entreprise ».
« L’Orange attitude »
comme le surnomme la marque, elle repose sur 6 principes fondamentaux : « proximité, dynamisme, simplicité, modernité, transparence, responsabilité ». Ces valeurs sont appliquées au quotidien par tous les acteurs de la chaine, souligne la marque. Les valeurs de l’entreprise Orange sont ici à la croisée entre principes moraux et stratégie marketing. Elles s’adressent autant aux salariés d’Orange et leurs méthodes de travail qu’au relationnel avec les clients.
Par ses actions humanitaires à travers le monde ou encore la création de la Fondation Nestlé, la marque adhère aux valeurs « du développement durable, qui concilie développement social, croissance économique et respect de l’environnement ».
Classement Européen des valeurs affichées
Parce que les valeurs d’une entreprise représentent la vision de son dirigeant, elles lui permettent de fixer des objectifs et de prendre les bonnes décisions au quotidien.
L’agence de conseil en communication Wellcom indiquait en 2003 sur « Les Echos » le classement Européen des 10 premières valeurs affichées par les entreprises :
Innovation – Respect – Clients – Intégrité – Responsabilité
Esprit d’équipe – Engagement – Environnement – Qualité – Création
Valeurs organisationnelles
Une question importante en psychologie des organisations est d’évaluer dans quelle mesure un individu correspond bien à l’organisation dans laquelle il est engagé.
Pour se faire le questionnaire de Schwartz a été adapté au monde du travail (Th. Wils 2007). Ainsi la correspondance entre les préférences d’un individu et les valeurs d’une organisation (idéalement mesurées avec le test) prédisent la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et le turn-over. Est-ce que l’organisation met l’accent sur les résultats ou sur les relations, et met-elle l’accent sur le risque ou sur les règles ?
Ce test peut être utilisé pour un premier filtrage des postulants. Mais attention ce test vise les valeurs dites endogènes
Identifier les valeurs de l’entreprise
2 conceptions distinctes mais pas antagonistes se profilent derrière le terme de valeurs.
- Valeurs exogènes : elles sont issues du territoire marketing, visant à se démarquer des autres sociétés. Ce sont ces valeurs que les clients retiennent et qui relèvent de l’image de l’entreprise. on parle aussi de valeurs de performance.
- Valeurs endogènes : elles sont issues du territoire éthique, cherchant à guider la conduite des collaborateurs et affirmant la responsabilité sociétale (RSE). Elles relèvent de la notoriété de l’entreprise.
Ces valeurs (pas plus de 5) doivent être formalisées et communiquées. La communication est encore plus performante quand elle se fait à travers une “Story Line ou Telling“.
L’identification des valeurs peut se faire de manière descendante (liée à l’histoire de l’entreprise, la direction décline ses valeurs) ou ascendante (les salariés sont sollicités).
Connaître ses valeurs réelles et spécifiques, être cohérent sur l’ensemble de sa communication et s’assurer que le message correspond à la réalité des pratiques RH, managériales et des employés en général sont des critères fondamentaux pour réussir sa marque interne employeur. Les conditions du succès des valeurs c’est parler juste et vrai.
L’exercice est de corréler les valeurs habituellement utilisées par les entreprises avec les domaines du modèle de Schwartz.
Exemples de valeurs en entreprise

Les valeurs marketing doivent quant à elles s’inscrire dans une construction de territoire de marque
Quelques soient ces valeurs, chaque valeurs peuvent être déclinées en ligne de conduite. Ce qui permet une meilleure appropriation des valeurs par les employés.
Ci-dessous un exemple de déclinaison que l’on peut trouver sur internet :

Limites de l’appropriation des valeurs de l’entreprise
(ex. de Décathlon par Nacer Gasmi)
L’effet en termes de différenciation n’est pas automatique, car cela suppose que les clients et les salariés soient disposés à s’approprier ces valeurs dans leurs pratiques et leurs discours.
Dans l‘exemple de Décathlon (Quetigny-Dijon), 322 clients ont été interrogés avec le but d’identifier l’existence ou non d’écart entre les valeurs communiquées (Responsabilité, générosité, sincérité et vitalité) et celles perçues par ces clients. On peut remarquer chez Decathlon la prépondérance des valeurs éthiques au détriment des valeurs de performance (« vitalité »).
Le premier constat a été que 60 % des clients ne prêtent pas attention aux valeurs déclarées par Décathlon. Sur les 40 % restants, 65 % n’ont pu citer que 1 ou 2 valeurs. Les clients mémorisent et citent majoritairement des valeurs de performances (accueil clients, qualité/prix, etc.).
L’attitude de ces clients à l’égard de Décathlon repose sur une rationalité instrumentale. Ils attendent surtout de l’entreprise qu’elle propose des produits qui leur procurent un bénéfice privé tangible (prix accessible, produit qui leur permet de pratiquer confortablement leur activité sportive).
Le deuxième écart est lié à la tendance des clients à privilégier les informations émanant des pratiques des salariés et de leurs discours (valeurs pratiquées quotidiennement par les vendeurs du magasin). Ainsi de celles des produits des marques du groupe (prix, qualité, etc.) par rapport à celles communiquées par Décathlon.
Au final sur les 322 clients interrogés, seuls 127 (39,44 %) ont pu produire (citer) au moins une valeur. Cependant aucune d’entre elles ne correspond à celles formalisées par le groupe Décathlon. De ce fait, si ce groupe a l’intention d’instrumentaliser ses valeurs comme attribut de différenciation, aucun des clients interrogés ne serait concerné.
La crédibilité du processus
(Exemple du groupe Fournier en 1998 – Samuel Mercier)
En 1998, l’entreprise éprouve le besoin de formaliser son idéologie comprenant un ensemble de normes, de valeurs et de croyances communes sur ce qu’est la mission de l’organisation et la bonne façon d’animer les personnels.
En période de mutation, les valeurs permettent de stabiliser et de contrer les inquiétudes, elles donnent des repères aux individus.
Le Groupe Fournier a été créé à Dijon en 1880. Il a réalisé en 1998 un chiffre d’affaires de 567 Million d’euros (dont 44 % réalisés à l’étranger) avec plus de 4200 collaborateurs (Pharma, Urgo et Polymères). Malgré une forte croissance, le groupe est resté familial. Son Président, Jean Le Lous, âgé de 87 ans à l’époque, travaillait dans l’entreprise depuis 1942. Plus de 90 % des actionnaires provennaient de sa famille.
Son souhait de rester une entreprise de taille humaine se retrouve dans la réaffirmation par la direction du principe : « Sur toute décision, nous devons faire prévaloir la communauté humaine que nous formons ». Or, une enquête de climat réalisée en 1998 montre un décalage entre les principes affichés de responsabilité, transparence, esprit d’équipe et les perceptions du personnel. Ce dernier dénonce la politique de la langue de bois, le manque de dialogue avec la hiérarchie et l’absence de relations basées sur la confiance.
Ecart entre valeurs et pratiques
La direction du groupe prend alors conscience de l’apparition d’un écart croissant entre valeurs et pratiques. Le groupe semble perdre une partie de son identité. Ainsi un effort important est à accomplir si l’entreprise souhaite préserver ses racines.
Cette manifestation est également une occasion de sensibiliser les managers à l’importance de traduire ces valeurs dans les comportements et actes. A l’issue de ce constat, cinq valeurs sont affirmées comme primordiales et structurantes. ce sont le respect des personnes, la responsabilité, l’esprit d’équipe, l’esprit d’entreprise et la transparence.
Pourtant les résultats d’une enquête sur les compétences fondamentales menées par questionnaire auprès de 70 cadres (parmi les cent principaux) font apparaître des préoccupations opposées à celles mises en évidence. En effet, lorsque l’on demande aux managers ce qu’ils considèrent être les compétences les plus importantes, ils répondent majoritairement : pensée stratégique, utilisation des données financières, capacité d’influencer et de négocier. L’écoute, l’exemplarité, la responsabilité, le management relationnel ne font pas partie des compétences à valoriser.
Par la suite, chaque manager a été invité à approfondir la réflexion en déclinant les cinq valeurs identifiées en processus et actions. Notamment l’objectif a été de mettre en évidence des écarts entre ces valeurs et les pratiques actuelles. Puis de soulever les difficultés de leur concrétisation dans le fonctionnement de l’entreprise.
Conclusion de l’étude de cas du groupe Fournier
En résumé, la démarche du groupe Fournier a eu pour avantage de permettre à la diversité de s’exprimer. Par ailleurs elle a permis d’encourager les initiatives à l’intérieur de l’entreprise pour mettre en pratique les cinq valeurs. A cet égard, l’entreprise souhaitait que la prise de conscience de l’écart entre valeurs énoncées et pratique soit source de progrès. Donc la crédibilité du processus a reposé alors sur la fixation des objectifs de progrès dans chaque unité et sur la mesure périodique des efforts accomplis à l’aide d’audits appropriés.
Conclusion
Premièrement les valeurs sont les principes de base guidant nos vies et orientant nos choix et nos actes, tant au niveau individuel que sociétal. Ainsi bien comprendre ces valeurs et leurs relations permet de les promouvoir, les invoquer ou les modifier selon nos objectifs.
Deuxièmement les individus, les organisations et les nations constituent des entités distinctes appartenant à différents niveaux d’analyse. Malgré des spécificités d’échelle, ces entités ont en commun au moins une caractéristique importante, soit celle des valeurs. Par conséquent, celles-ci se déclinent respectivement en valeurs individuelles (ou personnelles), en valeurs organisationnelles (en entreprise) et en valeurs sociétales.
De cette convergence découle, entre autres, le construit de congruence entre les valeurs individuelles et les valeurs organisationnelles. Ce construit permet d’expliquer des attitudes au travail tels que l’engagement organisationnel ou la satisfaction au travail.
Finalement bien que les valeurs au travail jouent un rôle important en gestion des ressources humaines, il n’existait aucun instrument de mesure des valeurs au travail reposant sur une structuration théorique. De fait, ceci est résolu depuis 2007 (Th. Wils & Al.) avec l’IVT (Inventaire des valeurs au travail).
Test des valeurs au travail
En dernier lieu, les seuils de ce test peuvent être adaptés aux spécificités d’une entreprise. Ainsi le test peut être utilisé dans le pré-screening d’un recrutement. A cet égard C5s peut vous aider à structurer les seuils et à digitaliser le test pour une utilisation quotidienne. La création du test se fait sur devis et son utilisation représente un investissement modéré de 30 € / an.
Sources principales :
Shalom H. Schwartz , Rokeach, Ch. Chataigné, Th. Wils, Les échos, Nacer Gasmi, Samuel Mercier, Wellcom, Psychomedia …
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