psychologie de la personnalité

psychologie de la personnalité

2 septembre 2019 psychologie 0

La psychologie de la personnalité et des différences individuelles

Article sur le livre (2014) de Michael C. Ashton (prof de psychologie-Ontario Canada)

Ce manuel de psychologie de la personnalité s’adresse aux étudiants et chercheurs en psychologie avant tout. Mais l’auteur reste très accessible dans sa synthèse des recherches menées sur la personnalité. Ce livre reste avant tout scientifique et pas du tout clinique avec une approche psychométrique basé sur le big5 (ou modèle OCEAN) et son successeur le modèle HEXACO.

Nous avons tous une personnalité, nous observons tous la personnalité des autres, nous communiquons tous au sujet de la personnalité et nous prenons tous des décisions basées sur la personnalité. Bref nous faisons tous de la psychologie de la personnalité humaine. La personnalité est donc un sujet qui dépasse la recherche scientifique. Mais cela n’empêche pas que la personnalité peut être étudiée comme une science humaine.

Depuis une vingtaine d’années, la personnalité initialement abandonnée par la psychologie retrouve ses lettres de noblesse.

Nous sommes tous différents, tout en restant quelque part pareils.

Les différentes approches de la psychologie de la personnalité

2 approches peuvent être utilisées.

L’approche idiographique consiste à étudier la personnalité d’une seule personne et de faire ressortir les traits prédominants.

L’approche nomothétique consiste, elle, à étudier certains traits de la personnalité dans un grand nombre de personnes et d’évaluer les liens entre ces variables. C’est donc une approche statistique qui permet de valider certaines tendances. La grande force de l’approche nomothétique est qu’elle permet de déceler des lois générales à propos de la personnalité.

Neanmoins une des difficultés des statistiques de la personnalité est qu’il n’y a pas de point de référence (ou de point zéro). Cela n’empêche pas d’identifier et de comparer des personnes en plus ou moins. Par exemple pour le QI, le postulat est qu’un QI moyen est de 100. On peut donc avoir avoir un QI plus élevé ou moins élevé que 100.

La deuxième difficulté est de mesurer des différences significatives. Est-ce qu’un QI de 105 et de 106 sont significativement différents ? D’où les notions d’écart type et de coefficient de corrélation (min -1 et max +1). Ainsi une personne avec 1 écart type au-dessus de la moyenne, a un score plus élevé de 84% des gens. Avec 2 écarts-types, le % passe à 95. Un coef de corrélation à 0.2 est considéré comme modérément significatif et à 0.5 comme fortement significatif. Un coef. A -0.5 exprimera donc une différence significative entre 2 variables.

Pour un test psychométrique, on étudiera aussi la qualité de la mesure grâce à la fiabilité et la validité du test.

Les auto-évaluations sont-elles fiables ? Oui !

L’exactitude d’un self-report dépend toutefois de plusieurs conditions. Premièrement, il faut que les gens connaissent assez bien leurs comportements, pensées et ressentis. Ce qui est assez le cas quand on parle de généralités. Ne pas confondre personnalité et points de faiblesse.

Deuxièmement, il faut que les gens soient d’accord de partager ces informations.

Il s’avère que dans un cadre de recherche psychométrique (et non clinique) les évaluations par un tiers (qui vous connaît) ne présente pas de meilleures mesures.

En conclusion les tests d’auto-évaluations sont de bons outils pour la psychologie de la personnalité.

Le concept de trait de personnalité et leurs mesures

Le concept de trait désigne les différences entre individus en ce qui concerne leur tendance à se comporter, à penser et à ressentir de certaines façons de façon stable dans le temps. A ne pas confondre traits avec caractère, attitudes et tempérament qui vont avoir des définitions différentes. (Voir les différences dans notre article).

Chaque trait est mesuré par des items (des questions). On fait la moyenne des réponses aux items d’une échelle pour produire un score global.

Se pose la question épineuse du choix des items. 3 approches existent, mais la plus courante est l’analyse factorielle. Pour faire simple, la corrélation des items entre eux permet de les classer et de confirmer leur pouvoir discriminant pour un trait donné. Au bout du bout, si 2 traits sont très fortement corrélés à travers leurs items, c’est qu’il n’y a pas 2 traits mais seulement 1 trait de personnalité.

Se pose enfin une dernière grosse difficulté très bien expliquée mais pas suffisamment étayée. Ce n’est pas un hasard, d’après moi si l’auteur fait cette impasse. Vaut-il mieux utiliser des catégories ou un continuum ?

Catégorie ou continuum, le faux débat  dans la psychologie de la personnalité !

Un trait est considéré comme un continuum avec 2 extrêmes. Extraverti et introverti par exemple. A une extrême, une personne sera très extravertie et à l’autre extrême une autre personne sera très introvertie.

Avant tout les extrêmes ne représentent pas la majorité de la population. Les personnes sont en général au milieu.

Pourtant le MBTI (le test de typologie le plus utilisé au monde par la population) vous classe dans la catégorie extravertie ou introvertie. Ce test présente une approche (catégorielle) avec 2 niveaux (extra ou introverti) plutôt qu’un score spécifique nuancé pour chaque caractéristique. Par exemple, imaginons une personne qui se situe tout juste du côté extraverti de la limite entre extraversion et introversion. Cette personne sera en fait plus semblable à une personne très peu introvertie que d’une personne très extravertie.

L’avantage du NEO (Big 5) ou de l’HEXACO, d’après l’auteur est de mesurer ce continuum sans catégoriser. Ou plus exactement de diviser le continuum plus finement en 5 ou 7 catégories (donc on catégorise bien). Les catégories sont seulement plus nombreuses.

En finalité le MBTI génère 16 types de personnalité.

Le big 5 ou NEO mesure 5 traits de personnalité. L’HEXACO en mesure 6. Ainsi une catégorisation plus fine à 5 niveaux génère 3 125 types de personnalité pour le big 5 et 15 625 pour l’HEXACO. Une catégorisation à 7 niveaux permet de générer 16 857 types de personnalité pour le big5 et 118 000 pour l’HEXACO.

Pour des approches scientifiques, le big5 (historiquement) et l’Hexaco sont des approches de choix beaucoup plus fines.

Pourtant dans la pratique, que ce soit le recrutement ou les intérêts vocationnels, un individu est bien mis dans une case. Que se soit dans un système de 16 cases ou dans un système de 118 000 cases, la typologie dans un cadre professionnel ou de développement personnel vous met bien dans une case.

Il est donc incontestable que la précision d’un test HEXACO dans une approche scientifique, reproductible et statistique de la population est plus performante et précise.

Dans une approche clinique ou de développement personnel, avec une approche statistique vous ne saurez toujours pas  si vous faites parti des 83% (1 écart type) ou des 17% restants. Même si la corrélation est forte, cela reste une probabilité.

C’est pour cela que dans les approches cliniques, les auto-tests ne sont utilisés que parcimonieusement.

A l’inverse, dans une approche de développement personnel, il est plus facile de gérer 6 (Process Com), 9 (Ennéagramme) ou 16 (MBTI) types de personnalité. La validité du test sera moins fine, mais il est plus facile de se poser des questions et d’émettre des hypothèses sur quelques catégories bien marquées qu’un nuancier de 3 000 à 120 000 types de personnalité.

D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’en 2003, sur la base du Big5, Asendorpf proposa 3 types de personnalité (Résiliant, externalisant, internalisant).

Mais l’élément le plus éloquent de ce faux débat est la capacité avancée du Big 5 d’interpréter la plupart des troubles de la personnalité. Ce qui est une performance d’un point de vue efficacité statistique du big 5. Ce qui reste incomplet, “la plupart”, d’un point de vue clinique quand il faut faire un diagnostic. Néanmoins les troubles de la personnalité sont bien 10 catégories de troubles (d’après le DSM 5). C’est bien l’utilisation binaire (noire ou blanche, extravertie ou introvertie …) du Big 5 qui soutient la bonne corrélation des traits du big 5 avec 10 catégories de troubles la personnalité.

Les troubles de la personnalité

On peut interpréter la plupart des troubles de la personnalité en termes de niveaux extrêmes des mêmes traits de personnalité que l’on trouve à différents degrés chez tout le monde. Ce sont les niveaux extrêmes de certains traits de personnalité qui causent des problèmes pour l’individu et ceux qui l’entourent.

Par conséquent, les questions que nous avons sur la nature des troubles de la personnalité vont avoir les mêmes réponses que les questions sur la nature de la personnalité en général.

Il est intéressant ici que l’auteur présente dans son livre son parti pris des polémiques positives sur l’intérêt de l’utilité des types de troubles de personnalité.  Et oui, même les psychologues remettent en question l’utilisation de catégories de troubles de la personnalité. En tout cas c’est une base essentielle de la science de sans arrêt remettre en question les soit-disantes évidences.

L’auteur par contre reste « neutre » quant aux solutions de traitement des troubles. Il énonce 3 approches (ou 2, car la 2ème et la 3ème sont proches) à savoir la psychothérapie psychodynamique (la psychanalyse), la TCC (thérapie cognitive et comportementale) et la TCD très réputée pour le trouble borderline.

« Les 3 méthodes ci-dessus ont été modérément efficaces dans le traitement des symptômes de troubles de la personnalité, mais il n’y a pas pour le moment de données claires suggérant si certaines méthodes sont plus adaptées pour certains troubles ». Ici encore c’est un sujet brulant dans le monde de la psychologie. Pour en savoir plus, voir notre article.

En conclusion l’auteur conclut que les troubles sont des dimensions plutôt que des catégories. No comment !

Big 5 ou Hexaco ?

Le premier chercheur à faire une analyse factorielle d’évaluations sur les traits de personnalité est Raymond Cattell (1947). Cela a donné naissance au Big 5. Mais à l’époque ils ne disposaient pas des moyens informatiques (et donc statistiques) que l’on dispose aujourd’hui. Seuls 5 traits de personnalité avaient été identifiés.

Avec le temps, les questionnaires ont été étudiés dans d’autres langues (années 2000). Les résultats ont affichés des similarités frappantes entre les langues. Les traits de personnalité sont les mêmes d’un pays à l’autre. Mais la découverte principale de ces études est l’apparition d’un sixième trait de personnalité. C’est l’Honnêté / Humilité.

Pour rappel, les 5 traits du Big 5  (ou OCEAN pour l’approche mnémotechnique) sont l’ouverture à l’expérience (à la nouveauté, à la différence), la Conscenciosité (compétence, ordre, devoir, réussite, autodiscipline…), l’extraversion (introversion), l’agréabilité (confiance, droiture, altruisme, modestie, sensibilité) et le neuroticisme (anxiété, colère, dépression, timidité, impulsivité).

L’ensemble de ces 6 facteurs de personnalité a été appelé « HEXACO » (Humilité, Emotions, eXtraverti, Agréabilité, Conscenciosité et Ouverture).

Rêveries, esthétisme, sentiments, actions, idées, valeurs, innovateur, non conventionnel, ironique à l’inverse de superficiel, conventionnel, sans imagination

Compétence, ordre, sens du devoir, recherche de réussite, autodiscipline, délibération, soigné, minutieux, précis à l’inverse de négligeant, imprudent, fainéant, irresponsable, distrait

Chaleur, grégarisme, assertivité, énergie, recherche de sensations, émotions positives, vivace, sociable, bavard, joyeux à l’inverse de timide, passif, en retrait, introverti, silencieux, réservé

Confiance, droiture, altruisme, complaisance, modestie, sensibilité, patience, tolérance, tendresse à l’inverse de grincheux, querelleur, têtu, colérique

Anxiété, colère, hostilité, dépression, timidité sociale, impulsivité, vulnérabilité, peur, émotivité à l’inverse de fort, indépendant, courageux, stable, sûr de soi

Sincérité, honnêteté, loyauté, modestie, juste à l’inverse de sournois, trompeur, avare, prétentieux, hypocrite, vantard

Utilisation de la psychométrie pour valider ou invalider des soi-disant « évidences »

  1. Les traits de personnalité sont stables même si avec le temps les gens ont tendance à devenir plus mature en vieillissant. Même si la conscenciosité, l’agréabilité et la stabilité émotionnelle (neuroticisme) tendent à augmenter avec l’âge. A l’inverse de l’ouverture à l’expérience et de l’extraversion qui tendent à diminuer.
  2. En moyenne, les personnes qui sont en couple ne sont que légèrement similaires en termes de personnalité. Les personnes agréables et stables développent un meilleur mariage, au-delà d’une tendance éventuelle à être plus facilement satisfait indépendamment de la qualité « réelle » du mariage.
  3. Entre amis, il est plus probable que des gens s’entendent bien s’ils ont des valeurs similaires. Sachant que l’humilité et l’ouverture sont le plus fortement corrélées avec les valeurs d’une personne.
  4. En performance académique, la Conscenciosité est le prédicteur le plus fort et le plus consistant de la performance académique. Ceci est valable aussi pour la performance professionnelle, pour autant que l’on puisse définir la performance professionnelle. Cela va dépendre ainsi du secteur professionnel. L’agréabilité liée au service client, ou l’extraversion et la stabilité émotionnelle avec la vente et le management. Mais certaines études ne confirment pas ce lien fort (c. 0.1).
  5. La religiosité, la politique sont plus liées à des croyances et des valeurs sociales contrairement aux traits de personnalité (voir les 18 valeurs de Schwartz).

Les habiletés mentales

Les habiletés mentales est un domaine de différences individuelles humaines généralement considéré comme distinct du domaine de la personnalité. On parle d’habileté mentale pour parler de l’intelligence. Quelques soient les facteurs de l’habileté mentale (Thurstone en dénombre 7), il semble qu’une habileté mentale générale est à l’œuvre même si les tâches paraissent différentes. En d’autres termes, une personne avec des capacités dans la fluidité verbale, aura aussi des facilités dans les approches numériques, la visualisation spatiale, la mémoire ou le raisonnement. On parle alors de facteur « g ».

L’auteur parle d’idées alternatives, voir même contrastées et populaires,  au sujet des habiletés mentales autre que le facteur g. C’est le cas de la théorie des intelligences multiples (Garner 1983) qui  au final reste aussi fortement corrélée au facteur g.

Quant à l’intelligence émotionnelle, d’après l’auteur, elle serait corrélée à certains facteurs du big 5. D’où sa conclusion « il n’est pas vraiment nécessaire d’inventer un nouveau concept « intelligence émotionnelle » pour décrire des variables qui sont déjà connues des chercheurs en personnalité ». No comment !

Conclusion

  • Il est possible de mesurer le niveau des traits de personnalité des gens de manière exacte à l’aide d’inventaires de personnalité, par auto-évaluation ou évaluation par autrui. L’idéal étant même un mix des 2.
  • Bien que le domaine des caractéristiques de personnalité contienne des centaines de traits, il est possible de faire une bonne synthèse de la personnalité de quelqu’un en termes de 5 ou 6 grands facteurs.
  • Le big 5 a vécu pendant plus de 50 ans en ayant loupé un sixième facteur de personnalité (Honnêteté/Humilité), aujourd’hui inclus dans l’approche HEXACO.
  • Les différences génétiques expliquent presque 2/3 de la variation au niveau de la personnalité humaine.
  • La personnalité est influencée beaucoup plus par l’environnement unique que par l’environnement commun et partagé. En d’autres termes, le niveau socioéconomique ou le style éducatif des parents n’influence que plus faiblement que le vécu et ressenti personnel de l’individu.
  • Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore bien élucidé quelles variables biologiques (Dopamine, sérotonine, noradrénaline…) influencent quelles caractéristiques de la personnalité.
  • La personnalité ne prédit pas la personne que quelqu’un épousera.

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